Couardise d’un griot: le zèle pour ta mangeoire me dévore, chef
Quand on vous dit que le Togo est un pays atypique où le ridicule ne tue pas nos intellectuels, vous avez toujours l’impression d’avoir à faire à des garçons belliqueux.
Quand on vous dit qu’ici chez nous, dans la « République du Golfe » comme l’appelait affectueusement Hamadou KOUROUMA, dans son oeuvre En attendant le vote des bêtes sauvages, l’impensable peut du jour au lendemain être érigé en principe avec la désinvolture qu’on connaissait à « SARKO », vous nous avez toujours cru à peine.
Voici ici le zèle d’un griot qui a manqué d’intelligence.
Je zappais la bande fm de ma radio hier soir quand mon attention fut attirée par une émission animée sur une chaîne locale. Voici ce que mes modestes oreilles ont pu capter: <<nous irons dire au boss que d’ici à janvier de l’année prochaine, nos cadavres ne trouveront plus de place au cimetière de Bè-Kpota>>
Faudrait-il vous rappeler que je suis un riverain du Nouveau Quartier de Bè-Kpota; un tout nouvel arrondissement de la ville de Lomé!
Dans le cours de l’émission que je venais de saisir au vol, j’ai pu me rendre à l’évidence que le griot qui s’époumonait à attirer sur lui l’attention de l’auditoire, déplorait le fait que le plus grand cimetière du Togo dit-on, tombait en manque de place. Bref, « zotorités » de mon pays ne pourront plus inhumer leurs parents trépassés dans le plus recommandable des cimetières du Togo.
Je me décidai donc à aller creuser le fond des inquiétudes de l’homme de la radio et voici ce que j’ai pu comprendre: il avait été prévu un espace de soixante-quinze hectares pour abriter le cimetière de Bè-Kpota. À ce jour, l’espace occupé et qui s’emplit déjà ne couvre que vingt-cinq hectares. Ce sont les cinquante hectares restants qui ont été morcelés par les autochtones du quartier de Bè puis vendus aux riverains pour faire office du Nouveau Quartier dont je vous parlais plus haut.
Selon ces autochtones, les cinquante hectares ont été exploités parce qu’ils n’avaient même pas encore perçu la totale indemnisation pour les vingt-cinq premiers hectares déjà occupés par le cimetière. À quelle sauce seraient-ils mangés en laissant encore le reste de leur « héritage » à l’Etat togolais? Ainsi se questionnaient -t-ils.
À travers cette affaire, un griot de la République a cru devoir trouver le moyen de s’attirer les faveurs du chef de l’Etat en plaidant la cause des cadavres. Selon le « poète », la solution serait de démolir les habitations construites par les riverains…
et électrifiées par l’Etat togolais lui-même et d’établir à leur place des sépultures…
Quelle intelligence ! <<L’indifférence vaut mieux que la couardise>>; dirait Jean Baptiste PLACCA, éditorialiste à Radio France Internationale.
Je me suis donc évertué à chercher quelles pourraient être les raisons de l’excès de zèle dont cet agent de l’Etat de mon pays a fait preuve.
À mon humble avis de simple riverain et peut-être futur « sans domicile fixe », un cadavre n’a pas besoin de gésir dans un cimetière digne de Beverly Hills pour espérer s’attirer la clémence de Dieu.
Entre loger un cadavre et loger un vivant, le choix raisonnable s’impose de lui-même à tout individu en pleine possession de ses facultés.
Et même dans sa vaste campagne d’urbanisation, l’Etat togolais s’est déjà mis à dos trop de citoyens pour devoir manquer une occasion de se montrer courtois.
Bref, s’il m’était permis de donner un conseil, messieurs les citadins, commencez par vous tailler une place à la campagne pour vous et vos êtres chers.
Gbégnédzéanyi.
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