Et les « moutons » se taisaient

19 décembre 2014

Et les « moutons » se taisaient

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Le plus haut degré d’inertie de l’espèce humaine, c’est le point de ne pouvoir faire respecter non pas ses droits les plus élémentaires, mais plutôt et seulement la bienséance.


À part le fait de devoir abandonner sa couchette à des heures pas imaginables pour espérer se tailler une place dans les escaliers des rares amphithéâtres de l’Université de Lomé, à part le fait de devoir partager journellement  leurs salles de cours avec des oiseaux de la basse cour venus en sporadiques ballades, à part le fait de devoir donner un coup de main à leurs bus quotidiennement en panne…,

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…les étudiants togolais se sont depuis un moment retrouvés à subir, sans mot dire, l’illustration du foutage de gueule.
En cette après midi de décembre 2014, alors que la canicule, en collaboration avec un léger vent d’harmattan se faisait encore tenir en respect, les juristes en gestation de la Faculté de Droit de l’Université de Lomé s’étaient empaquetés comme toujours dans « l’amphithéâtre A Droit » dépourvu de tout  système de ventilation,  pour suivre le cours du « Droit des entreprises en difficultés ». C’était à croire qu’ils étaient déjà eux mêmes à bout de leurs propres difficultés.

    Et l’absurdité fut…
C’est précisément en cet instant qu’un balayeur de la cour du campus a eu la très généreuse inspiration de rappeler au typique étudiant togolais qu’il était « mouton ». Oui! Mouton!
Le technicien de surface venait de terminer son balayage. Au lieu de s’échiner à ramasser le tas d’ordure qu’il venait de fabriquer, l’ouvrier indélicat a eu la très ingénieuse inspiration d’y mettre plutôt du feu, histoire de s’abréger les peines. Ce fut sans compter avec tout ce qu’il y avait autour de lui comme bâtiments, étudiants et personnel enseignant.
Pendant près d’un quart d’heure, l’atmosphère de la salle de cours de l’amphithéâtre A Droit s’est révélée invivable. Ici, on suffoque. Là-bas, on tousse. Plus loin, on s’indigne et on injurie comme seules savent si bien le faire les filles. Puis, quelques instants instants après, la fumée se dissipe, tout le monde se tait et le cours reprend comme si de rien n’avait jamais été.
    Puis après???
Euuuuh… puis après? Puis après, mais rien! Et c’est précisément ici que l’expression « étudiant mouton » prend tout son sens.
A la ferme agricole de mon père, il suffit souvent de faire un geste inhabituel, de faire venir un individu étranger, bref d’indisposer un temps soi peu les bêtes pour qu’elles se mettent à alerter le maître des lieux, qui de bêlements, qui de caquetages ou de chants très indisposants. Mais puisqu’en bon juriste, il ne faille jamais accuser juste pour le plaisir de le faire, je me suis donc promis d’aller voir, en fin de séance, s’il y avait créature meilleure que les bêtes de notre ferme.
Dans une société où chacun connaît ses droits, où chacun maîtrise les limites de sa liberté et où tout le monde sait jusqu’où ne pas aller trop loin, avant même que les autorités universitaires fussent mis au courant des écarts de conduite, ce technicien de surface indélicat aurait été interpellé et rappelé à l’ordre par n’importe quel étudiant, n’importe quel passant, ou n’importe quel enseignant. Mais puisque nous sommes en présence d’un genre de citoyen tout à fait particulier, personne n’a bronché. À la fin du cours, je suis allé chercher l’individu qui avait eu la très « ingénieuse » inspiration de nous faire fumer alors même que les conditions d’étude nous mettaient suffisamment bien à mal. J’étais allé voir s’il y en avait qui pouvaient rappeler le balayeur à l’ordre. Peine perdue! Sur les lieux, je n’ai pu voir, ni « fumeur » ni « fumés » et comble de la bêtise,…

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le tas d’ordure était toujours là, fumant à n’en pas finir, avec les étudiants qui faisaient leurs navettes quotidiennes avec l’air impertubable. C’était à croire que tout était normal, que tout allait pour le mieux dans le meilleur des mondes.

    Heureux étudiants togolais, leaders de demain, dans la fumée plongés!

Ils n’ont pas que ça à faire! Ils doivent se dépêcher pour se tailler une place dans les escaliers! Faire la queue devant les rares photocopieuses du campus! Ameuter leurs camarades à coups de sifflet pour réclamer à l’autorité leur maigre ration d’allocation de secours!

Voilà un peu le genre d’intellectuel que le système éducatif togolais forme. Sur le plan politique non plus, le tableau n’est pas plus reluisant.

Allez demander aux togolais de réclamer la baisse des prix du carburant à la pompe, ou de réclamer à togocel une meilleure tarification de la connexion internet, ou encore d’aller rappeler à Faure GNASSINGBE que l’idéal démocratique de nos jours tient à deux mandats au plus,et vous entendrez de toutes les sottises et de toutes les âneries.

« Dans de nombreux pays, les populations sont hélas gagnées par une lassitude telle, qu’elles ne sont pas disposées à concentir de tels sacrifices, parce qu’elles estiment avoir déjà donné.« 

Jean-Baptiste PLACCA.

Gbégnédzéanyi.

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Commentaires

Clair de Baie
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Des idées qui témoignent d’une grande inspiration ! merci

Arnaud BOCCO
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Merci du soutien!!! Bonjour!