Évala : l’autre fête nationale du Togo

Article : Évala : l’autre fête nationale du Togo
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30 juillet 2015

Évala : l’autre fête nationale du Togo

« Il n’est d’éternellement beau que ce qui ne peut servir à rien. » Disait Théophile Gautier Si cet homme revenait tout de suite à la vie et se décidait à visiter mon pays le Togo, il se rendrait à l’évidence qu’il s’était leurré et qu’il a mené plein de gens en bateau. Il verrait par lui-même qu’il est de ces choses éternelles qui dans nos Républiques bananières, s’étaient imposées comme hyper belles, et qu’elles n’ont depuis toujours, servi à quelque chose d’éternellement « bien »: la cause nationale notamment.


    En ce début de vacances d’été et depuis que mon pays fut, il y a toujours eu ce moment de trêve où le fonctionnement de l’administration se plonge en hibernation. Ce moment où la cause nationale s’impose et jette presque tout à l’arrière-cour des priorités. Il s’agit en effet de cet instant où il ne convient pas d’avoir quelque besoin que ce soit, surtout à devoir se faire servir de manière pressante par l’administration togolaise; sinon tant pis. Bref, presque tout l’appareil d’Etat se met en vacance.

Voici donc! Moi, j’ai fréquenté à l’école primaire privée laïque « les Abeilles ». J’ai eu d’assez bons maîtres. Ils se sont même mis en quatre pour recenser nos fêtes traditionnelles propres au Togo et nous les enseigner; le devoir les y contraignant. Je me suis donc donné la peine d’en retenir la majeure partie. Il s’agit entre autres, de Dézan (fête du palmier), Ayizan (fête du haricot), D’pontr (fête des ignames), Agbogbozan (fête de la muraille agbogbo), Adzinoukouzan, Kpéssôssô (fête de la prise de la pierre sacrée), mais aussi et surtout Évala ! C’est pourquoi cette dernière a suscité le plus mon intérêt, vous comprendrez bientôt.

Retournons encore une dernière fois dans mes classes de primaire pour rappeler que mes maîtres ont également pris le soin de me montrer la différence entre ces fêtes traditionnelles et les fêtes nationales qui requièrent l’intérêt de tous sans distinction. Seulement, voilà ! Depuis toujours, les choses ont donné l’air de donner tort à ces gars qui auraient commis le péché de changer de place à l’une de ces réjouissances villageoises, qui en fait, a plus une apparence de fête nationale. Il s’agit en effet de la fête « Évala » en pays Kabyè.

Ce qui saute aux yeux du profane, lors de cette fête, c’est de voir de jeunes garçons, qui dans un élan d’initiation se mettent deux à deux pour rivaliser d’ardeur au travers de vives empoignades avec en fond sonore un joyeux vacarme. Un bruit digne de « montagnards » sortis tout droit de la préhistoire: c’est Hamadou KOUROUMA qui a dit.

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« S’il m’était donné d’opérer une nouvelle classification des fêtes dans mon pays, « Évala » serait érigé en fête nationale; je vous en conjure! »

Voilà en fait une fête traditionnelle qui a depuis toujours eu le privilège de s’apparenter à une chose publique. Elle a même acquis des « prérogatives de puissance publique »; les fameuses « 3P », chères à tout apprenti juriste.

Évala est la seule fête traditionnelle qui au Togo, bon gré mal gré, mobilise les plus grosses pointures de l’appareil d’Etat. Durant cette fête, les fauteuils de l’administration restent vides pendant plusieurs jours : un air de vacances tombées de nulle part flotte sur me pays. Vous savez enfin mieux que moi qu’il n’ y a que pendant Évala que nos écrans de télé sont pris en otage par d’intrépides empoignades avec la collaboration essentielle de la Télévision togolaise, notre chaîne nationale.

Heureux serez-vous, lorsqu’on vous outragera, qu’on vous persécutera et qu’on dira de vous toute sorte de mal pour avoir assisté à Évala! Réjouissez-vous et soyez dans l’allégresse, car votre récompense sera grande à la cour royale.

Au-delà de tout, voici mon inquiétude. Moi je rêvais d’être président de la République. Mais depuis que je me suis fait à l’idée que le nombre de mandats présidentiels n’est pas près d’être limité, je me suis ravisé. Sinon, si j’avais pu accéder à la magistrature suprême, j’aurais élevé la fête traditionnelle de chez moi à ce pôle d’attraction. Jean-Pierre est mon ami. Plus courageux que moi, il se présentera envers et contre tout à la prochaine élection présidentielle. Et si par un heureux hasard il gagnait (le rêve étant permis), il voudrait faire de même pour la fête traditionnelle de chez lui. Puis Agossou quand il y sera, puis Akpénè, puis Tchilalo, puis Kampatib, puis Wiyao, puis Nathalie, jusqu’à la lie.

Le Togo, une démocratie normale.

Gbégnédzéanyi.

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