Chronique d’une victoire aux antipodes de la normale: Faure triomphe sans gloire

8 mai 2015

Chronique d’une victoire aux antipodes de la normale: Faure triomphe sans gloire

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Crédit photo: Arnaud BOCCO

Êtres humains normalement constitués, à l’état de nature sujets à orgueil, à fierté et à imposture, nous savons tous l’envie que cela donne que de vouloir faire savoir à tout le monde lorsque nous réalisons un exploit hors de l’ordinaire. Un examen de réussi, nous espérons être congratulés de tout le monde. Un geste inhabituel de réalisé, l’on se doit de nous aduler! Même pour d’irrecommandables insanités commises, l’être humain cherche parfois à être reconnu de ses semblables: un air de défi s’il en est, aux bonnes moeurs. Mais ce qui devrait frustrer, intriguer et donner à réfléchir à tout individu doué de raison et de toute la jugeote possible, c’est de devoir réaliser un exploit à la mesure d’une élection présidentielle remportée, et de ne susciter même pas les ovations de ses pairs. C’est en substance la pièce de théâtre qui se joue actuellement au Togo, chez moi.

Ce mardi 28 avril 2015, la Commisson Electorale Nationale indépendante (CENI), par la voix de son président  IssifouTaffa TABIOU proclamait les résultats du scrutin présidentiel auquel les togolais ont plus ou moins participé sur l’ensemble du territoire de ce tout petit État d’Afrique de l’ouest, qui par ses agissements et ses frasques, se montre parfois assez atypique par rapport à ses voisins immédiats, et pas seulement.

 

Sans toutefois vouloir m’appesantir sur ces sempiternelles bruissements d’élections truquées, de bourrage d’urnes ou de fichier électoral corrompu dont moi citoyen lambda je n’ai d’ailleurs pas la preuve, une seule et unique chose qui bouscule sans cesse ma quiétude, est l’apparente indifférence des chancelleries internationales à l’égard de la victoire du président Faure.

 

Nous savons tous le ballets auquel ces gens se livrent à l’égard de leurs pairs; excès de zèle oblige, lorsque ceux-ci, consciemment, ou, le plus souvent par maladresse, se rendent capable du meilleur.

 

Appels téléphoniques par ci, messages de félicitation par là, réchauffement des relations internationales plus loin, et j’en passe  et des meilleurs. Mais dans le cas du Togo, presque rien de tout cela à l’issu du verdict final.

 

Cette élection que le président, « Miabé Faure » (« notre Faure ») a remportée haut les mains, sans bavure, sans infusion de sang, sans même la moindre contestation solide, lui qui est né pour gouverner ce pays, lui qui sur tout ce territoire est le seul capable de conduire comme il se doit les destinées de cette nation, l’on se demande pourquoi les grands de ce monde restent si timides à son égard. L’on s’intrigue à la seule idée de ne pas les voir se livrer à l’exercice d’accoutumée auquel les relations d’égal à égal les oblige.

 

L’on se rappelle qu’avant même que les résultats annoncés aux togolais ne soient livrés à la stupeur de tous, des intermédiaires à la personne des présidents ivoirien (Allassane OUATARA) et ghanéen (Dramani MAAMA) ont du venir appuyer sur l’accélérateur de la commission électorale. Même ceux-ci n’ont daigné officiellement congratuler leur homologue togolais.

 

Même la France qui reconnaissait sans la moindre hésitation la victoire d’Allassane OUATARA dans le dernier scrutin présidentiel de la Côte d’Ivoire, a préféré retourner à sa vieille tradition de prudence en ce qui concerne l’ingérence dans les affaires intérieures d’un État tiers. Seul le représentant des Nations Unies en Afrique de l’ouest, Mohamed Ibn CHAMBASS a feint de reconnaître la victoire de Faure  dans un chuchotement à peine perceptible de la fameuse formule d' »élection crédible, transparente et équitable. »

 

L’on est au comble de la forfaiture: un air de foutage de gueule savamment orchestré.

 

Et après?

 

Et puis après, mais rien!
Le lendemain matin, l’air cachant mal le sentiment de dépit qui les animait, le mécanicien du quartier était à son poste de travail, le menuisier à califourchon sur le toit de l’immeuble en construction, le « zémidjan-man » avait sa moto enfourchée entre les jambes.
Même l’opposition politique, si fidèle à ses habitudes contestataires s’est vue prise à contre-pied. Elle n’a même pas eu le temps de râler comme d’habitude. Et dans la foulée, la cour constitutionnelle a confirmé le résultat que l’on disait provisoire.  Le président déclaré, sans tambour ni trompette  et dans la stricte intimité de son parti a ensuite prêté serment, puis c’est reparti pour cinq autres longues années de gouvernement à « la sauce Faure. » N’allez pas me demander ce qu’est « la sauce Faure »! Sinon, suivez mon regard…

 

  Et alors?

 

Et alors, mais plein de choses! En attendant que l’opposition togolaise se dote de réelle stratégie politique pour espérer contrer les aspirations du pouvoir en place, le président Faure devra le plus tôt possible s’atteler réellement aux préoccupations de l’heure.

 

Il s’agit en effet de se mettre au diapason des exigences démocratiques qui par ces temps d’ouverture d’esprit, se résument à la limitation de mandats à deux au maximum.

 

Faudra-t-il ensuite solutionner les nombreuses, réelles et indispensables aspirations du fonctionnaire togolais lambda qui menace de reverser dans ses mouvements de grève à répétition; lui qui paradoxalement, aurait préféré renouveler sa confiance au prince.

 

Le président Faure devra enfin jeter un regard de compassion du côté de l’apprenant togolais qui jusqu’à ce jour se demande toujours si étudier est pour lui un droit, ou une faveur à lui octroyée par la clémence de ses dirigeants. Tout cela fait vraiment beaucoup. Et il n’y a que comme cela que l’on ne nous traitera plus de pays démocratique, juste par charité chrétienne.

Gbégnédzéanyi.

 

Miabé Faure: l’un des nombreux slogants de campagne du président Faure.
Zémidjan-man: conducteur de taxi-moto.

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Commentaires

renaudoss
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Merci à toi!

Une tragédie comme une autre sous les tropique.
Mais je crois que le plus tragique dans tout ça se résume en cette phrase : "Et puis après, mais rien!"
Espérons qu'il fera un mandat "social" comme promis. :(

Guillaume
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Chronique publiée comme promis. Il semble que le Togo est un pays atypique. Je n'en doute plus !