Vous avez dit vieilles gloires? La République n’en a cure

Article : Vous avez dit vieilles gloires? La République n’en a cure
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6 juin 2017

Vous avez dit vieilles gloires? La République n’en a cure

« Faites les hommes heureux, vous les rendrez meilleurs. » Par cette pensée de Victor HUGO, je désire tant voir s’il existe encore des raisons de se saigner, à la recherche de l’excellence pour ce pays le Togo, lorsqu’il ne reste aux mérites des fils de la nation que d’aller se perdre dans l’estuaire du néant.

Lorsque la ferveur d’un week-end de fête dans les hauteurs de la chaîne de l’Atakora sera retombée laissant place à la quiétude de la ville de Kpalimé aux attraits touristiques, que les tambours de groupes de supporters se seront tus et que leurs trompettes n’auront plus de décibels à cracher, il faudra se rasseoir et repenser le sort que l’on désire fait subir à ceux qui ont d’une manière ou d’une autre, servi la nation togolaise.

Cette fin de semaine coïncident avec la commémoration de la descente de l’Esprit Saint sur les apôtres du Christ, un fils de la nation, sans doute éclairé par ses longues années de culture n’a pas cru si bien faire en rassemblant dans le Kloto les quelques anciennes figures du football togolais que les âges ne sont pas encore arrivés à engloutir.

Dans une cérémonie légère par son symbole mais lourd de sens, GARÉ Félix alias « Tchétché » (gardien de but) DOSSOUVI Kowouvi Jean, de l’équipe de football de la Modèle de Lomé, MÉBOUNOU Clément Kpadé, (défenseur émérite de l’Étoile Filante de Lomé), AJAVON Raymond, TINGA Sawoè, HOUNTITÉ Mayé ou encore HOUNKPATI Hermann alias « Ressort », (libéro de la Modèle). Tous sont des acteurs des années du lendemain des indépendances. Ils ont pour une énième fois, demandé des efforts à leurs articulations craquelant sous le poids de l’usure, à leurs corps si fatigués mais si résistants, pour honorer de leur effective présence une cérémonie qui à jamais restera gravée dans leur mémoire.

Instant de vive émotion à chaque évocation de leur nom par le speaker, assorti d’un bref aperçu de leur carrière chargée d’histoire. Le charmant public du stade municipal de Kpalimé, dû à chaque fois retenir son souffle, pour voir avancer ces vieillards de plusieurs étés, quelques-uns aidés par de jeunes dames dévouées à cet effet.

Un trophée, puis une enveloppe, voilà la symbolique reconnaissance que le promoteur de l’événement, Serges Tété BÉNISSAN, a bien voulu mettre dans la sacoche de ces anciens footballeurs. Pas à titre posthume cette fois-ci, comme on a si pitoyablement développé cette sombre habitude de le faire pour ceux dont le cadavre a la chance d’échouer aux mains des autorités togolaises. C’est donc de leur vivant qu’ils auront connu ce privilège, qu’ils auront reçu cette reconnaissance.
De retour dans la capitale, lorsque du fond du bus à bord duquel, ensemble avec ces vieilles gloires du football togolais, j’ai fait le déplacement de Kpalimé, je voyais ces figures mémorables descendre, chacune à la destination qui lui convenait le mieux, un sentiment de profonde tristesse s’est emparée de mon âme. Je me suis surpris à laisser perler sur ma joue gauche une larme que j’ai dû promptement rattraper pour ne pas laisser transparaître ma fragilité émotionnelle aux yeux des confrères qui prenaient place avec moi.

Ma tristesse, ce n’était pas tant la séparation d’avec ces anciennes gloires qui ont si bien gagné mon estime et que je voyais presque sûrement pour une dernière fois, mais c’était plutôt la pensée de combien de talents brilleront encore dans l’indifférence, combien de fils et filles de la nation resteront encore bons juste pour la beauté de l’expression, combien de valeurs l’on s’interdira de tirer vers le haut, c’était cette pensée-là qui me dévastait. C’est assez désolant de voir que dans ce petit État de l’Afrique de l’Ouest, abritant seulement quelques six millions d’âmes, l’on a pu développer à ce point un tel sentiment de déni de l’excellence, de promotion de la futilité et d’indifférence envers ceux qui essaient de porter loin le nom du pays.

Il m’a été assez difficile de soutirer quelques mots aux récipiendaires du jour, tant la rancœur aura grimpé dans leur cœur. De leur temps, ils ont servi la nation avec comme seule motivation, la fierté, la passion et l’envie de servir. Des sentiments qui, aujourd’hui n’ont pas quitté le cœur des enfants du pays, mais qui au gré du temps, laissent place à la méfiance et à la lassitude. « Du temps où nous jouions pour la sélection nationale, alors que nous étions allés livrer un match à Conakry, ma maison a été cambriolée. J’ai tout perdu. Pour toute réponse, le président d’alors GNASSINGBÉ Éyadéma m’a répondu : je ne puis rien pour toi. Le football que vous pratiquez ne rapporte rien aux caisses de l’État togolais. » Voilà les quelques mots que j’ai pu voler à un des lauréats, à son insu.

Quand on a à charge le management de tout un peuple, on ne peut pas se comporter comme si les bourses de l’État étaient une propriété privée, comme si les exploits réalisés par les citoyens relèvent du néant, comme si les sentiments de frustrations par rapport au bien commun resteront à jamais éloignés de son piédestal installé dans les hauteurs du palais royal. Il n’est jamais trop tard pour commencer à bien faire. À l’exemple du promoteur de l’événement, opérons une profonde transformation en nous et autour de nous. Redressons nos manières de faire. Le Togo espère beaucoup de ses enfants. Avec sympathie et scepticisme les jeunes générations nous regardent faire et attendent les résultats. Allons-nous trahir la Patrie en agissant comme des singes qui font quelque chose et n’ont jamais rien fait?

Serges Tété BÉNISSAN a accompli sa part du devoir de mémoire. Et nous autres ?
Gbégnédzéanyi.

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Commentaires

Mawulolo
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Touché...oui, je le suis par ton billet. La réponse du Général a saigné mon cœur.
Aujourd'hui c'est à coups de millions que les joueurs, ne nous rapportant RIEN, sont payés.
Il convient vraiment de reconsidérer les situations de ces anciennes gloires qui ont servi le pays sans calcul mais juste avec patriotisme.
De nos jours, malgré les millions et les contre-performances, on voit et on entend de tout...
Dommage...

Arnaud BOCCO
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C'est assez désolant de se comporter ainsi face à des concitoyens parce qu'on estime être au dessus de tout le monde, a un moment donné.