Arnaud BOCCO

On a fêté la bière à Lomé: et après?

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Que ce soit à Hollywood ou à Nollywood, que ce soit à Fasofilms ou à Togollywood, le scénario qu’on nous présente le plus souvent est que quand un acteur est accablé de problèmes, il essaie de les noyer dans l’alcool. Mais quand c’est tout un Etat qui se met d’accord pour noyer sa jeunesse dans la liqueur, constatez avec moi qu’on ne pourrait pas tomber plus bas!

    Plus que quelques jours encore, et l’édition 2014 de la fête de la bière à Lomé s’en ira mourir définitivement de sa belle mort. En dehors du fait que l’on a beaucoup festoyé, que l’on en est arrivé à se saouler avec nos mômes autour de la même table et que les libidineux se sont arrangés, avec la complicité de la liqueur pour se tromper de partenaires, qu’en aurons-nous retenu? Sûrement pas grand-chose. Tel ou tel directeur de société a pu ne voir dans cet événement érigé en tradition qu’une occasion d’exhiber aux yeux de la jeunesse, sa capacité à la rassembler autour d’idéaux peu reluisants. Ailleurs, l’on est plutôt fier en général du nombre d’enseignants par dizaines d’étudiants ou de la qualité de la connexion Internet qui est servie aux apprenants. A chacun ses priorités. Ainsi va le Togo. Mais justement parce que la jeunesse togolaise ne peut continuer à voguer au gré de l’incurie et du cynisme de certains de ses dirigeants, il urge de rappeler les priorités qui importent plus à cette frange de la population afin que nul ne vienne prétendre un jour qu’il ne savait pas. Ces dernières années au Togo, on assiste à une avalanche d’événements pour captiver l’attention des jeunes. C’est ainsi qu’il est facile d’entendre sur nos chaînes radio et télé : sous le haut patronnage de tel ou tel, il est organisé ceci ou cela.  De l’élection de la plus belle tarée du pays au défilé du plus beau mouton de la Tabaski, tout y passe et des futilités en veux-tu en voilà. À la fête de la bière de cette année,on n’a pas fait que distribuer de la bière. On a également partagé des préservatifs à quiconque tendait la main. Comprenez par vous-même qu’après avoir bu un coup, il faudra en tirer un également! On a présenté la chose sous le vocable de…

image et une caravane a même été mise à contribution pour sillonner les artères de la capitale. image Plus qu’un appel au sursaut, il s’agit pour moi d’enjoindre impérativement à nos dirigeants de se rappeler qu’ils se trompent de programme de société si jamais ils voulaient que les rêves de notre nation cessent de se perdre dans l’estuaire de l’insouciance et de la gabegie… image Hounsrou est mon voisin. Il est étudiant en année de licence à l’Université de Lomé et fait partie de ces fêtards qui font le succès de l’évènement. Il n’en a presque pas manqué la moindre journée. Mais quand on lui demande un compte rendu de ce qu’il a pu tirer comme bon parti de la « fête », il balbutie à n’en pas finir. À l’instar de Hounsrou, nombreux sommes nous à ne pas savoir réellement le plus que cet événement nous apporte pour qu’on l’érige en tradition dans la capitale du Togo. Sans toutefois vouloir m’ériger en donneur de leçon, la seule question qu’il vaille à mon avis que chaque togolais se pose est celle ci: allons-nous encore fêter la bière l’année prochaine? Et à quelle fin? Gbégnédzéanyi.


La violence: un langage visiblement prometteur

image <<Si seulement vous pouviez imaginer combien cela fait du bien et pas seulement aux africains, de voir un Etat de ce continent se soustraire au club des cancres pour reconquérir sa dignité et son honneur>>.                                        Jean-Baptiste PLACCA. C’est l’agréable impression que donnent les burkinabés depuis l’introduction devant le parlement du fameux projet de révision de l’article 37 de la loi fondamentale .     Un parlement saccagé puis mis à feu, des voitures brûlées, au moins vingt manifestants tués et quarante blessés, un COMPAORE arrêté puis un autre introuvable, voilà un bien triste bilan et sûrement davantage pour cette journée du 30 octobre 2014. Voilà en effet ce dont les lâches du paysage politique burkinabé avaient besoin pour comprendre que le peuple ne voulait vraiment pas du fameux projet de loi déposé devant l’Assemblée Nationale. Il était visiblement temps pour ce peuple aux « hommes intègres » qui depuis l’assassinat de Thomas SANKARA, s’est soudainement senti avili par sa classe politique, de lever comme un seul homme pour reconquérir son respect et sa considération. Cette déconfiture dont les meurtrissures marqueront pour bien longtemps la diplomatie burkinabé devrait donner à réfléchir aux pairs de COMPAORE Blaise qui attendent que le vilain projet de société aboutissent pour en tirer une ignoble jurisprudence. Sans risquer d’aller trop vite en besogne, on a tout de suite envie de crier à ce peuple « félicitation!!! ». C’est là une bonne leçon qui est donnée par les burkinabés à toutes ces populations de bénis-oui-oui des autres États qui hésitent encore à se tirer du joug de leurs tyrans. La leçon est également bonne à apprendre par  nos dirigeants qui une fois installés à la tête du pays, semblent oublier qu’ils restent toujours à portée du peuple. Grâce à ce soulèvement, « les jours de ceux que l’on appelle les ignards triomphants semblent comptés et également dans ces pays où les populations n’en peuvent plus des dirigeants qu’ils n’ont pas choisis.«  Comment donc comprendre qu’il existe encore sur cette terre des individus qui ne comprennent pas le langage de la modération? Comment est-ce possible de se faire à l’évidence que des dirigeants ne comprennent toujours pas d’eux-même que leurs populations n’en peuvent plus de tant d’années d’autocratie? À ses dépens, COMPAORE Blaise venait d’apprendre qu’il est de ces choses qui ne s’achètent pas. Ainsi de la respectabilité, de l’amour du peuple.     « Il reste donc au président du Faso à faire preuve de retenue, à se faire discret et surtout à ne pas insister, à ne pas revenir donc à la charge. Mais pour cela il faut qu’il y ait dans son entourage, des personnes suffisamment honnêtes dans son entourage pour lui faire comprendre que insister pourrait lui valoir d’autres désagréments ». Gbégnédzéagni.


Ces âmes reposeront-elles en paix?

credit:borsalino.space-blogs.com
credit:borsalino.space-blogs.com

Saviez-vous que même après la mort, le cadavre a du souci à se faire pour le sort qui lui sera réservé? J’en doute pour vous. Saviez-vous également qu’il existe des sous-produits du genre humain qui ne méritent aucun respect ? Vous ne le savez non plus !
Humm ! Je ne vous ai rien dit ! Mais vous qui vous attardez dans mon blog là, il existe des déments dans votre entourage je suppose ! Des membres de votre famille qui ont disparu sans que personne ne sache où ils se planquent ; pas vrai ? Et tous ces individus qui tirent leur révérence dans les geôles de nos États ? Ces accidentés de la route rendant l’âme et dont personne ne connaît les parents ? Vous êtes-vous déjà demandé à quelle sauce on les “mange“ ? Ici à Lomé, on en a déjà fait quelque chose d’assez ahurissant sous mes yeux. Eh ! Dieu du ciel !
Nous sommes le 18 octobre 2011, et cela faisait exactement trois semaines que ma famille et moi avons aménagé dans notre toute nouvelle demeure au Nouveau Quartier de Bè-Kpota. Bè-Kpota est une vieille banlieue de Lomé que tous les mordus de l’actualité pourraient connaître en raison des événements qui ont accompagné la présidentielles de 2005 dans mon cher pays le Togo. Heureusement que tout cela est dépassé maintenant et que  » plus jamais cela n’arrivera sur la terre de nos aïeux « . C’est le président Faure qui a dit.
Il devait sonner 15 h (TU) ce soir-là. J’arpentais fièrement la voie qui traversait le cimetière quand j’entendais au loin des bruits de sirène invitant les passants à dégager le passage. Je fis diligence pour laisser passer la cargaison. C’est alors que deux camions destinés au ramassage de sable se sont glissés sur le chemin, tous remplis de plusieurs caisses en bois qui débordaient presque. A mon avis, c’était un stock de produits de consommation déjà avariés que les services compétents en matière de sécurité alimentaire allaient faire détruire. Mais pourquoi c’est dans un cimetière qu’il faille réaliser l’opération ? Mais cela ne pouvait pas non plus être des cadavres humains, qui aurait mis à mort tant individus, me suis-je demandé.
C’est dans le creux de ce sombre doute que je me suis décidé à aller voir par moi-même ce qu’il devait advenir du macabre colis. Que ne fut ma stupéfaction quand je rattrapai tout essoufflé et haletant de fatigue, les deux camions avec leur contenu d’un genre si peu commode ! Déjà des riverains, comme avertis par un présage commençaient à emplir les lieux pendant qu’une pelleteuse qui avait devancé tout le monde, creusait vaille que vaille un trou grand comme ça. Disons plutôt une fosse. Bientôt nos deux camions commençaient à se vider de leur contenu. Djaaa ! Ce sont des cadavres humains dont on se débarrassait. Qui sont-ils ? Et leurs parents ? Pourquoi ne pas les enterrer comme tout autre cadavre digne de respect et de considération ? C’était là autant de questions qui lancinaient ma petite tête déjà bien mise à mal par le trop plein de cheveux que j’allais faire tailler avant d’avoir fait la sacrée rencontre. Mais ce qui m’intriguait le plus est que j’étais visiblement le seul pour qui l’opération manquait de normalité. Mis à part la traditionnelle compassion qui anime chaque être humain à la vue d’un semblable trépassé, les riverains semblaient presque habitués de la chose.
Ce soir là, je dormi la tête bien chargée de multiples idées et d’images qui s’enchevêtraient et se bousculaient. Où était partie la dignité de l’HOMME ? Entre l’être humain et le petit chien errant qu’un véhicule venait de faucher, où se situait la différence ? Je ne la trouvais vraiment pas ce soir là. La Sainte Écriture n’a-t-elle pas dit « poussière tu es, et à la poussière tu retourneras ? » Depuis ce jour, je me suis fait à l’évidence que le genre humain n’est rien, que nous ne sommes que des récipients vils sur la terre exilés, mais à tort, gonflés d’orgueil et de toute sorte de légèreté. Dans le patois qui est le mien, on dit « gogbalo ». Mais pourquoi c’était en pleine journée qu’il faille réaliser une telle opération au vu et au su de nous autres riverains frustrant au passage des âmes sensibles à l’instar de la mienne ?

Gbégnédzéanyi.


Un drôle de médiateur

Burkina Faso President Blaise Compaore attends the 10th Francophone countries summit arrival ceremon..

Dans notre établissement de l’école privée laïque  » les Abeilles « , je me rappelle que nous avions toujours eu un major général. Le plus souvent c’était un élève du cours moyen deuxième année (CM2). Il s’agit de l’élève qui se débrouillait le mieux en classe. C’était aussi le gars qui gardait toujours son uniforme scolaire propre et bien repassé du lundi au vendredi. Il avait les cheveux toujours bien coupés ; bref, c’était l’exemple à suivre par nous autres cartouchards et nous avions donc tous peur de lui. Le major général pouvait même jouer le rôle de médiateur entre deux mômes de la maternelle qui se disputaient un morceau de sucette. Seulement voilà, ce terme  » médiateur  » par ces temps qui courent, commence par revêtir un sens totalement différent de celui que je lui connaissais.

Moi je suis togolais, et depuis quelques années, le pouvoir de mon pays se trouve en mal d’amour avec son opposition politique. Pour réconcilier les positions, nous nous sommes donc proposés de nous offrir les services d’un médiateur. Mais celui que nous avons trouvé ne ressemble en rien à mon major général du cours primaire. Non seulement ses concitoyens n’ont plus peur de lui, mais il est constamment sous le feu des critiques. Il n’est pas bon élève au cours de démocratie, il aime les ratures et commence sérieusement par énerver de paisibles citoyens. Il est président d’un Etat dont la loi fondamentale en son article 37 interdit à tout locataire de la présidence d’occuper les lieux pendant plus de 10 ans. Ce médiateur s’appelle Compaoré Blaise.

Il y a quelques mois, monsieur le président avait promis à son peuple qu’il ne briguerait pas un seul mandat supplémentaire. Mais puisque le ridicule ne tue pas l’Africain, Blaise vient seulement maintenant de se rendre compte qu’il a un alléchant programme pour son pays et qu’il est le seul intellectuel capable de mener à bien ce projet. Il a donc décidé de faire toiletter la Constitution, d’y appliquer ses ratures et d’user du tipex. On est gêné. Très très mal à l’aise. « Il est des circonstances qui imposent de ne pas craindre de déplaire, de ne pas chercher à complaire, de ne pas se taire»; dirait Jean-Baptiste Placca éditorialiste de Radio France Internationale.

Un suicidaire projet de société

Cette très vilaine publicité que Blaise offre de son pays n’augure rien de recommandable pour la démocratie africaine et on imagine combien ses pairs sont à l’affût quant à l’issue de son suicidaire projet de société.  » Tiens ! Tiens ! Ce truc marche malgré tout ! «  diraient les autocrates. On a juste envie de dire à ce peuple à l’instar du laboureur mourant, à l’adresse de ses enfants, « creusez, fouillez, bêchez. » Ne laissez nul moyen qui puisse vous aider à contrer le vilain projet. Le phénomène  » démocratie «  sur notre continent en sortira grandi. Il s’agit ici en effet d’ôter aux cancres les arguties au nom desquelles les médiocres s’accrochent au pouvoir comme s’ils étaient les seuls capables de faire le bonheur de leur pays.

Au Togo, la chose semble beaucoup plus facile pour Faure Gnassingbé. La Constitution avait déjà été raccommodée à la mesure de ses ambitions et son médiateur ne peut plus lui faire le reproche de ne rien faire pour satisfaire son opposition. Il est lui-même tombé dans les travers qu’il est censé devoir corriger. On se sent tout perdu et désorienté avec la folle envie de crier merde à la fin !!!

Nos dirigeants n’ont visiblement pas encore compris que cette Afrique-là n’a aucunement besoin d’hommes forts, mais plutôt, et seulement d’institutions fortes. Ils n’ont pas encore compris qu’ils ont chacun un devoir d’exemplarité vis-à-vis des autres nations. Enfin, ils ne semblent pas vouloir comprendre que ce qui les ferait grandir aux yeux de tous, c’est d’établir un système tel que même si le diable en personne venait à accéder à la magistrature suprême, qu’il soit obligé de faire seulement ce que le peuple lui demande et qu’il puisse se retirer impérativement le moment venu sans devoir emporter avec lui en enfer des âmes de citoyens exaspérés par des années d’autocraties. C’est à ces petits détails qu’on distingue une vraie démocratie d’une démocratie de façade.

Gbégnédzéanyi.


Couardise d’un griot: le zèle pour ta mangeoire me dévore, chef

 

Quand on vous dit que le Togo est un pays atypique où le ridicule ne tue pas nos intellectuels, vous avez toujours l’impression d’avoir à faire à des garçons belliqueux.
Quand on vous dit qu’ici chez nous, dans la « République du Golfe » comme l’appelait affectueusement Hamadou KOUROUMA, dans son oeuvre En attendant le vote des bêtes sauvages, l’impensable peut du jour au lendemain être érigé en principe avec la désinvolture qu’on connaissait à « SARKO », vous nous avez toujours cru à peine.
Voici ici le zèle d’un griot qui a manqué d’intelligence.

Je zappais la bande fm de ma radio hier soir quand mon attention fut attirée par une émission animée sur une chaîne locale. Voici ce que mes modestes oreilles ont pu capter: <<nous irons dire au boss que d’ici à janvier de l’année prochaine, nos cadavres ne trouveront plus de place au cimetière de Bè-Kpota>>

Faudrait-il vous rappeler que je suis un riverain du Nouveau Quartier de Bè-Kpota; un tout nouvel arrondissement de la ville de Lomé!
Dans le cours de l’émission que je venais de saisir au vol, j’ai pu me rendre à l’évidence que le griot qui s’époumonait à attirer sur lui l’attention de l’auditoire, déplorait le fait que le plus grand cimetière du Togo dit-on, tombait en manque de place. Bref, « zotorités » de mon pays ne pourront plus inhumer leurs parents trépassés dans le plus recommandable des cimetières du Togo.
Je me décidai donc à aller creuser le fond des inquiétudes de l’homme de la radio et voici ce que j’ai pu comprendre: il avait été prévu un espace de soixante-quinze hectares pour abriter le cimetière de Bè-Kpota. À ce jour, l’espace occupé et qui s’emplit déjà ne couvre que vingt-cinq hectares. Ce sont les cinquante hectares restants qui ont été morcelés  par les autochtones du quartier de Bè puis vendus aux riverains pour faire office du Nouveau Quartier dont je vous parlais plus haut.

Selon ces autochtones, les cinquante hectares ont été exploités parce qu’ils n’avaient même pas encore perçu la totale indemnisation pour les vingt-cinq premiers hectares déjà occupés par le cimetière. À quelle sauce seraient-ils mangés en laissant encore le reste de leur « héritage » à l’Etat togolais? Ainsi se questionnaient -t-ils.
À travers cette affaire, un griot de la République a cru devoir trouver le moyen de s’attirer les faveurs du chef de l’Etat en plaidant la cause des cadavres. Selon le « poète », la solution serait de démolir les habitations construites par les riverains…

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et électrifiées par l’Etat togolais lui-même et d’établir à leur place des sépultures…

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Quelle intelligence ! <<L’indifférence vaut mieux que la couardise>>; dirait Jean Baptiste PLACCA, éditorialiste à Radio France Internationale.
Je me suis donc évertué à chercher quelles pourraient être les raisons de l’excès de zèle dont cet agent de l’Etat de mon pays a fait preuve.
À mon humble avis de simple riverain et peut-être futur « sans domicile fixe », un cadavre n’a pas besoin de gésir dans un cimetière digne de Beverly Hills pour espérer s’attirer la clémence de Dieu.
Entre loger un cadavre et loger un vivant, le choix raisonnable s’impose de lui-même à tout individu en pleine possession de ses facultés.
Et même dans sa vaste campagne d’urbanisation, l’Etat togolais s’est déjà mis à dos trop de citoyens pour devoir manquer une occasion de se montrer courtois.
Bref, s’il m’était permis de donner un conseil, messieurs les citadins, commencez par vous tailler une place à la campagne pour vous et vos êtres chers.

                                    Gbégnédzéanyi.


Serment d’hypocrite ou serment d’Hippocrate?

credit photo: assurance-conseil.ch
credit photo: assurance-conseil.ch

Quand j’étais encore au cours élémentaire, mon maître me répétait sans cesse : « fais bien tout ce que tu fais, et sans oublier. Car dans cette vie tout dépend de ta volonté.» Il en a même fait une chanson que nous répétions en boucle chaque jour. Et franchement, je n’ai jamais su percer l’idée de mon maître jusqu’à cette aube d’octobre 2011 où j’ai assisté à la bêtise de l’espèce humaine.

Avant tout chers lecteurs, permettez-moi de m’apitoyer un temps soi peu sur mon propre sort.
Donnez-moi l’autorisation d’emprunter quelques vers à un grand de l’Afrique. J’ai nommé Camara LAYE.
« O Daman, ô ma mère, toi qui me portas sur le dos, toi qui m’allaitas, toi qui gouvernas mes premiers pas, toi qui la première m’ouvris les yeux aux prodiges de la terre, je pense à toi. Comme j’aimerais être enfant près de toi. Ma pensée toujours se tourne vers toi, la tienne à chaque pas m’accompagne, ô Daman, ma mère, comme j’aimerais encore être dans ta chaleur, être enfant près de toi… »
Je reviens à vous, le cœur bien gros.
Nous sommes à la veille le 18 octobre 2011. Françoise (maman) revient du service toute joyeuse et en plus bonne santé que jamais. Secrétaire de direction de son Etat, elle ne tarda pas à se muer en ménagère accomplie afin de satisfaire la gamelle de sa petite famille. N’étant pas du genre à s’attarder dans la nuit, maman prit ensuite un bon bain et regagna son lit. Dans la nuit profonde, un petit malaise de sa part ameuta la petite famille. Rapidement nous nous affairons à son chevet. Il fallait qu’elle aille mieux afin de pouvoir retourner au service le lendemain. Son poste à l’Organisation Mondiale de la Santé était bien trop stratégique pour être laissé vacant. Qui a dit qu’elle y retournerait d’ailleurs ?
Bientôt, accompagnés de papa, nous nous mettons en route pour l’hôpital. Il devait sonner 02heures du matin quand nous arrivions à la polyclinique internationale Saint Joseph de Lomé, alors que tout, sauf la santé de maman invitait au sommeil. Papa et moi, commençâmes par taper au portail de la clinique qui restait fermée. Il n’y avait pas de système de sonnerie et la guérite censée garder l’hôpital était vide de ses occupants. L’on se résolut à téléphoner à la réception. Peine perdue. Où trouver le numéro ? Même la gigantesque enseigne lumineuse qui culminait dans le ciel et brandissant fièrement le nom de la polyclinique Saint Joseph de Lomé ne portait pas le numéro à cette époque là. Une clinique « INTERNATIONALE » s’il vous plaît !

entrée de la polyclinique St Joseph credit:arnaud
entrée de la polyclinique St Joseph
credit:arnaud

Comme par enchantement, c’est maman qui prenant son mal en patience, a pu se souvenir du numéro. A plusieurs reprises, l’on sonna en vain et depuis le portail nous pouvions tous les trois entendre pleurer le téléphone ; des pleurs qui curieusement se révélaient bien trop faibles pour troubler le sommeil de l’immense centre de santé. Ironie du sort ! Papa se décida à aller bousculer l’autre portail par lequel se faisaient les évacuations d’urgence, pendant que moi je ne me lassais point d’ameuter tout un quartier à grand renfort de tambourinage d’un portail qui se refusait toujours à nous laisser passer. J’en suis arrivé à me demander si on ne se serait pas trompé d’endroit. Si on n’aurait pas confondu la clinique à une maison abandonnée, tant le vacarme que nous faisions était grand, et notre patience avait dépassé le seuil de l’acceptable.

C’est alors qu’une infirmière fut tirée de son sommeil et depuis le balcon, elle se dressa, puis d’un ton insolent, me lança :« qui va là ? Que veux-tu ? » Appréciez par vous-même chers lecteurs. Pour ma part, je dois aider maman à atteindre les urgences car elle faiblissait déjà. Je lui répondis alors : « il y a un malade. »
Bientôt, le large portail de notre clinique internationale s’ouvrit et nous eûmes accès à la salle d’attente. Quel spectacle nous y attend ! Les fauteuils qui devraient servir à accueillir les patients avaient été rassemblés et transformés en lit pour nos vigiles qui dormaient à points fermés. Extraordinaire et ahurissant à la fois ! Maman pour sa part ne se fit pas prier pour se diriger vers les urgences ; étant elle-même une habituée des lieux. Un jeune stagiaire l’aida à se coucher et alla appeler le médecin de garde. De cet instant commença mon calvaire. Notre médecin de garde, jetant son serment d’Hippocrate à l’arrière-cour de sa conscience professionnelle, prit tout son temps pour se tirer du sommeil. Le temps de commencer quoi que ce soit, notre infirmière n’eut point le temps de faire ne serait-ce qu’une simple piqûre à la jeune dame qui déjà se débattait dans les spasmes de la mort. Tout ce qu’elle put nous dire se résume comme suit : « c’est fini. » Qu’est-ce qui est fini ? Demanda vainement mon père.
Rocambolesque manière d’annoncer la plus indésirable des nouvelles à des patients. En termes plus clairs, comprenez que maman était morte. Qui pouvait le croire ? Et pourtant le fait était là dans sa plus poignante réalité.
Moi je ne vais pas m’attarder à situer des responsabilités, mais je vais vous exposer toute ma frustration.
Regardez la qualité de l’accueil ! Appréciez le laxisme ! Notez avec moi le je-m’en-fichisme ! Enfin, jaugez le manque criard de professionnalisme dont a fait preuve tout un hôpital de classe internationale dit-on !
Maman n’aurait-elle pas pu être sauvée si l’on s’était affairé autour d’elle avec beaucoup plus de diligence ? Aujourd’hui, cela fait exactement trois ans que la jeune dame a été rappelée à son créateur. Mais au-delà, combien de personnes devront encore payer de leur vie le prix de l’inertie de nos agents de santé ? Combien de fois devrions-nous encore nous époumoner à rappeler à nos médecins que « la santé du malade devrait être la première de leurs préoccupations ? » Combien de familles de patients devront encore boire jusqu’à la lie le calice de l’incurie de nos agents de santé ?
Voilà autant de questions qui lancinent encore l’esprit de la petite famille désormais amputée de l’une de ses valeurs ?
Si l’on s’acharne autour du système de santé dans les hôpitaux publics de nos Etats au sud du Sahara, il reste à noter que celui du secteur privé n’est pas des plus reluisants ; illustration faite avec la polyclinique Saint Joseph de Lomé qui elle-même se dit internationale.

Gbégnédzéanyi.